Homicides intrafamiliaux

Les homicides intrafamiliaux englobent plusieurs types d’homicides commis au sein de la famille. Les principaux types sont les suivants :

  • Filicide : homicide d’un enfant (0-18 ans) commis par un parent, un tuteur légal ou un beau-parent.
  • Homicide conjugal : homicide du conjoint, de la conjointe, de l'ami(e) intime, de l’ex-conjoint, de l’ex-conjointe ou de l'ex-ami(e) intime.
  • Familicide : homicide du conjoint, de la conjointe, de l'ami(e) intime, de l’ex-conjoint, de l’ex-conjointe ou de l'ex-ami(e) intime et d’un ou de plusieurs enfants commis par un parent, un tuteur légal ou un beau-parent.
  • Parricide : homicide du père, de la mère ou des deux parents commis par un enfant (biologique ou par garde légale), sans distinction d'âge.
  • Fratricide ou sorroricide : homicide d’un frère ou d’une sœur commis par un autre membre de la fratrie1.

En 2017, les homicides intrafamiliaux représentaient 31,1 % du total des homicides perpétrés au Québec (28/90). Ce à quoi s'ajoutent 69 tentatives et complots de meurtre. L’homicide conjugal est le type d’homicide intrafamilial le plus fréquent au Québec (9/28). Au Québec, entre 2008 et 2017, la très grande majorité des homicides intrafamiliaux ont été commis par un homme. Cette proportion varie cependant selon le type d’homicide. Par exemple, elle est de 52,4 % dans le cas des filicides et de 94,3 % pour les homicides conjugaux2. En ce qui concerne le familicide, l’homme en est l’auteur dans 95 % des cas1, ce qui signifie que la mère et les enfants sont tués. Près du quart des homicides intrafamiliaux sont suivis du suicide de l’auteur3.

Quels sont les facteurs associés?

Différents facteurs peuvent être associés à un plus grand risque de commettre un homicide intrafamilial. Ces facteurs peuvent varier selon le type d’homicide intrafamilial et le sexe de l’auteur de l’homicide, tandis que d’autres sont communs à différents types d’homicides intrafamiliaux. Cependant, il est à noter qu’en général il s’agit avant tout d’une association statistique entre le facteur et le fait de commettre un homicide intrafamilial et qu’on ne peut pas nécessairement conclure qu’il s’agit d’un facteur causal.

Homicide conjugal1,4,5

  • Mauvais traitements durant l’enfance
  • Antécédents criminels de violence conjugale ou d’agression sexuelle
  • Consommation abusive d’alcool ou de drogue
  • Antécédents de menaces ou de tentatives de suicide
  • Perte d’emploi ou être sans emploi et éprouver des difficultés financières
  • Signes dépressifs

Familicide1,6,7

  • Perte d’emploi ou être sans emploi et éprouver des difficultés financières
  • Signes dépressifs
  • Avoir des idéations suicidaires ou avoir fait une tentative de suicide
  • Troubles de la personnalité ou état limite 

Filicide1,6,7

  • Perte d’emploi ou être sans emploi et éprouver des difficultés financières
  • Signes dépressifs
  • Avoir des idéations suicidaires ou avoir fait une tentative de suicide
  • Troubles mentaux graves

Parricide1

  • Antécédents psychiatriques
  • Antécédents de violence
  • Consommation abusive d’alcool ou de drogue
  • Déni de la maladie mentale
  • Non prise de la médication
  • Troubles mentaux graves

Homicide conjugal1,4

  • Vivre en union de fait ou fréquentation amoureuse
  • Différence d’âge entre les conjoints (10 ans et plus)
  • Comportement visant à contrôler la conjointe
  • Contexte de séparation
  • Conflits entourant la garde des enfants
  • Historique de victimisation conjugale (physique et sexuelle) et épisodes de violence de grande intensité (violence subie par la femme), lorsque l’auteur de l’homicide est une femme
  • Antécédants de violence physique et sexuelle au sein du couple (violence perpétrée par l’homme), lorsque l’auteur de l’homicide est un homme
  • Amplification de la violence conjugale dans le temps

Familicide1,6

  • Amplification de la violence conjugale dans le temps
  • Contexte de séparation

Filicide1,6,8

  • Amplification de la négligence et de la maltraitance dans le temps
  • Amplification de la violence conjugale dans le temps
  • Antécédents de violence conjugale, lorsque l’auteur de l’homicide est un homme
  • Avoir un enfant non désiré, lorsque l’auteur de l’homicide est une femme
  • Litiges entourant la garde des enfants
  • Contexte de négligence et de maltraitance
  • Contexte de séparation
  • Peu de contacts sociaux, être sans emploi, éprouver un stress économique, lorsque l’auteur de l’homicide est une femme
  • Peur de perdre la garde des enfants

Parricide1

  • Conflits avec les parents et ressentiment
  • Exposition à la violence conjugale
  • Comportement violent de la part du parent tué
  • Manque de confiance de la famille dans le système de santé
  • Minimisation de l’importance de la maladie mentale
  • Relation de dépendance avec le parent

Homicide conjugal1

  • Modèle masculin valorisant la violence
  • Normes rigides dans les conceptions des rôles exercés par les hommes et les femmes
  • Accès facile à une arme à feu

Familicide1

  • Vision traditionnelle du rôle de père et de ses droits envers les autres membres de la famille, lorsque l’auteur de l’homicide est un homme

Parricide1

  • Préséance du droit des individus à refuser des soins et de l’aide même si la situation le requiert

Qui sont les victimes?

Le sexe et l’âge des victimes varient selon le type d’homicide intrafamilial. Dans les cas d’homicides conjugaux, la majorité des victimes sont des femmes. En 2017, il y a eu au Québec 9 victimes d'homicide conjugal, toutes des femmes, et 35 victimes de tentative et de complot de meurtre en contexte conjugal (27 femmes et 8 hommes)2.

Au Québec, entre 2008 et 2017, il y a eu 119 victimes suite à un homicide conjugal (106 femmes et 13 hommes), 56 victimes d’un filicide (25 femmes et 31 hommes), 31 victimes d’un parricide (13 femmes et 18 hommes) et 42 victimes d’un autre type d’homicide intrafamilial (14 femmes et 28 hommes)2.

Quelles sont les conséquences pour les membres de la famille et les proches des victimes?

Les homicides intrafamiliaux font, en plus des victimes directes, un certain nombre de victimes collatérales pour qui les homicides ne sont pas sans conséquences. Parmi celles-ci se retrouvent les membres de la famille ainsi que les proches des victimes et des auteurs de l’homicide1,9.

Pour les enfants dont un des parents est victime d’un homicide conjugal, il y a la perte des deux parents, soit le parent victime de l’homicide et le parent auteur de l’homicide qui s’est suicidé ou qui purge une peine de prison. Cela s’accompagne bien souvent d’un déménagement hors de la maison familiale, par exemple dans la famille de la mère, dans la famille de l’auteur de l’homicide, en alternance entre les deux familles ou avec d’autres personnes, et d’un changement de milieu, d’école et d’amis1,10,11,12. Certains enfants développent des problèmes de santé mentale, tels qu’un état de stress post-traumatique, une dépression, de l’anxiété ou des problèmes de sommeil et des cauchemars11,12 et peuvent avoir peur d’être séparé de la personne qui prend soin d’eux12. Ils peuvent également développer des problèmes de santé physique, tels que des symptômes physiques sans cause organique connue et qui résultent de difficultés psychologiques (ex. : anxiété ou dépression), des changements au niveau de l’appétit et du poids et des symptômes d’asthme11. Certains enfants peuvent aussi présenter des changements de comportement11 ou développer des problèmes d’attachement12.

Les proches des victimes peuvent quant à eux ressentir le sentiment d’avoir été trahi par la personne qui a commis l’homicide ou ressentir un sentiment de culpabilité ou de responsabilité associé au fait de ne pas avoir su éviter le geste12. Ils peuvent également éprouver des problèmes de santé pouvant être associés au fait de faire passer les besoins des enfants dont ils ont maintenant la responsabilité avant leurs propres besoins12. Les jeunes adultes qui perdent un proche par homicide sont pour leur part plus susceptibles de faire une dépression et sont plus à risque de rapporter des abus de drogue ou des problèmes de dépendance à la drogue9. Des pertes financières et matérielles pour les proches des victimes et un contexte de stigmatisation sociale et de honte peuvent également découler des homicides intrafamiliaux, notamment pour la famille de l’auteur de l’homicide1. Bien qu’il soit probable que les conséquences pour le parent endeuillé soient importantes, elles sont très peu documentées.

Quelles sont les mesures de prévention?

Les homicides intrafamiliaux sont souvent décrits dans les médias comme étant des événements à caractère soudain et inexplicable. Pourtant, comme l’a démontré l’analyse des dossiers du Bureau du coroner, dans la majorité des filicides et familicides survenus au Québec entre 2007 et 2012, le geste a été précédé de conflits qui duraient depuis des semaines ou des mois, voire même depuis des années13. Un constat similaire peut être fait pour les homicides conjugaux. Une analyse d’homicides conjugaux survenus au Québec entre 2000 et 2005 a permis de faire ressortir que dans 58 % des cas où l’homicide était planifié en entier14 (20/34), il y avait des antécédents de violence conjugale dans le couple et la présence de menaces de mort et de harcèlement criminel dans les semaines précédant l’homicide. Des antécédents de violence conjugale étaient également présents dans 80 % (8/10) des cas d’homicides conjugaux planifiés partiellement15,16. Les homicides intrafamiliaux sont donc dans plusieurs cas l’aboutissement d’une trajectoire de violence qui s’est intensifiée. Différents moyens peuvent être mis en place pour les prévenir, et ce, bien en amont.

En 2012, un comité d’experts s’est penché sur la question des homicides intrafamiliaux. Il en est ressorti toute une série de recommandations, dont plusieurs visent différents moments dans le continuum de prévention. À titre d’exemple, le développement d’outils de dépistage de la détresse psychologique mieux adaptés aux hommes ainsi que la poursuite et la diversification des services en périnatalité et petite enfance pour répondre aux besoins des familles à risque sont au nombre de ces recommandations1.

Même si chacun des types d’homicides intrafamiliaux comporte des caractéristiques qui lui sont propres et appelle à des stratégies d’intervention différentes, l’identification rapide des situations de violence conjugale fait partie des meilleures pratiques pour prévenir les situations d’homicides intrafamiliaux1.

Différents outils ont été développés au Québec afin de prévenir les homicides intrafamiliaux. À titre d’exemple, un guide de référence en matière de prévention des homicides pour les intervenants œuvrant en matière de prévention de la violence conjugale auprès des hommes a été conçu pour les organismes membres de l’association À cœur d’homme – Réseau d’aide aux hommes pour une société sans violence. Ce guide traite notamment de l’appréciation du risque d’homicide conjugal, des stratégies d’intervention et des responsabilités des différents acteurs impliqués17. Une formation provinciale sur l’estimation et la gestion du risque d’homicide, destinée au personnel du réseau de la santé et des services sociaux, a également été développée et est déployée dans les différentes régions18.

Certaines mesures de contrôle de l’accès aux armes à feu peuvent contribuer à prévenir les homicides intrafamiliaux. Le premier type de mesure vise à interdire la possession et l’acquisition d’une arme à feu aux personnes étant sous une ordonnance de protection pour violence conjugale, le deuxième type de mesure applique cette restriction aux contrevenants condamnés pour un délit de violence conjugale et le troisième type de mesure autorise les policiers à retirer les armes à feu dans un domicile lors d’un événement de violence conjugale19,20.

Les programmes de prévention de la violence conjugale et de la violence dans les relations amoureuses des jeunes, plus particulièrement auprès des jeunes hommes, peuvent également contribuer à prévenir les homicides commis en contexte conjugal et familial10.

Les politiques publiques et plans d’action

Différentes mesures prévues au Plan d’action gouvernemental en matière de violence conjugale 2018-2023  contribuent à prévenir les homicides intrafamiliaux. À titre d’exemple, certaines mesures visent à faciliter le dépistage et l’identification précoce des cas de violence conjugale, alors que d’autres visent à outiller les policières et les policiers pour assurer une intervention adéquate et adaptée en matière de violence conjugale ou à améliorer la sécurité des victimes de violence conjugale. Les orientations de la Stratégie gouvernementale pour l’égalité entre les femmes et les hommes vers 2021, notamment celle visant l’atteinte d’une société sans violence faite aux femmes, peuvent également y contribuer.

Pour en savoir plus

Références

  1. Ministère de la Santé et des Services sociaux (2012). Rapport du comité d’experts sur les homicides intrafamiliaux, présidé par Gilles Tremblay. Ministère de la Santé et des Services sociaux. publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2012/12-803-02.pdf
  2. Ministère de la Sécurité publique (2020). Les homicides familiaux entre 2008 et 2017. Ministère de la Sécurité publique. Demande spéciale. 
  3. Statistique Canada (2013). L’homicide au Canada, 2012. Centre canadien de la statistique juridique. Boyce, J. et Cotter, A. Composante du produit 85-0002-X au catalogue. http://www.statcan.gc.ca/pub/85-002-x/2013001/article/11882-fra.pdf
  4. Dawson, M. et Piscitelli, A. (2017). Risk factors in domestic homicides : Identifying common clusters in the Canadian context. Journal of Interpersonal Violence.
  5. Bureau du coroner en chef (2017). Comité d’examen des décès dus à la violence familiale – Rapport annuel 2016, Ontario : Bureau du coroner en chef.
  6. Holland, K. M., Brown, S. V., Hall, J. E. et Logan, J. E. (2015). Circumstances preceding homicide-suicides involving child victims: a qualitative analysis. Journal of Interpersonal Violence.
  7. Lysell, H., Runeson, B., Lichtenstein, P. et Långström, N. (2014). Risk factors for filicide and homicide: 36-year national matched cohort study. The Journal of Clinical Psychiatry, 75(2), 127-132.
  8. Dawson, M. (2015). Canadian trends in filicide by gender of the accused, 1961-2011. Child Abuse and Neglect, 47, 162-174.
  9. Zinzow, H. M., Rheingold, A. A., Hawkins, A. O., Saunders, B. E. et Kilpatrick, D. G. (2009). Losing a loved one to homicide: prevalence and mental health correlates in a national sample of young adults. Journal of Traumatic Stress, 22(1), 20-27.
  10. Lewandowski, L. A., Mcfarlane, J., Campbell, J. C., Gary, F. et Barenski, C. (2004). “He killed my mommy!” Murder or attempted murder of a child’s mother. Journal of Family Violence, 19(4), 211-220.
  11. Hardesty, J. L., Campbell, J. C., McFarlane, J. M. et Lewandowski, L. A. (2008). How children and their caregivers adjust after intimate partner femicide. Journal of Family Issues, 29(1), 100-124.
  12. Armour, M. (2011). Domestic fatalities: the impact on remaining family members. International Perspectives in Victimology, 5(2), 22-32.
  13. Léveillée, S., Tousignant, M., Laforest, J. et Maurice, P. (2015). La couverture médiatique des homicides intrafamiliaux. Mieux en comprendre les effets. Conseil de Presse du Québec. 
  14. Un homicide est considéré comme étant planifié en entier quand le plan du conjoint est complet au moment où il a commis le geste létal (moyen, moment et lieu prévus).
  15. Un homicide est considéré comme étant planifié partiellement lorsque le plan de l’homicide est incomplet au moment de la commission du geste létal. L’idée d’homicide est présente dans ces situations, mais le moment est pressenti plutôt que prévu. Le moment va souvent être relié à un élément déclencheur qui va servir de prétexte à l’homicide.
  16. Dubé, M. et Drouin, C. (2014). Démystifier le rôle de la planification dans l’homicide conjugale, dans Rinfret-Raynor, M, Lesieux, É., Cousineau, M.-M., Gauthier, S. et Harper, E. (2014). Violence envers les femmes. Réalités complexes et nouveaux enjeux dans un monde en transformation. Presses de l’Université Laval, p. 133-147.
  17. Drouin, C., Lindsay, J., Dubé, M., Trépanier, M. et Blanchette, D. (2012). Intervenir auprès des hommes pour prévenir l’homicide conjugal. Montréal et Québec : Centre de recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faite aux femmes. 
  18. Centre de recherche appliquée en intervention psychosociale (Page consultée le 28 novembre 2016). Page d’accueil, [en ligne], www.source-psychosocial.com
  19. Le contrôle de l’accès aux armes à feu comme mesure de prévention des homicides conjugaux a fait l’objet d’études évaluatives. Les résultats observés montrent que seul le premier type de mesure, soit l’interdiction de possession et d’acquisition pour les personnes étant sous une ordonnance de protection, a été associé à une réduction des homicides conjugaux. Selon les auteurs, des limites méthodologiques, dont une absence de considération pour l’implantation des mesures, pourraient expliquer l’absence de résultats observés pour les deux autres types de mesures (Zeoli, A. M., Malinski, R. et Turchan, B. (2016). Risks and targeted interventions: firearms in intimate partner violence. Epidemiologic Reviews, 38(1), 125-139).
  20. Lavoie, M., Maurice, P., Blais, É., Laforest, J. et Lapointe, G. (2016). Projet de loi no 64 : Loi sur l’immatriculation des armes à feu – Mémoire déposé à la Commission des institutions. Direction du développement des individus et des communautés, Institut national de santé publique du Québec. www.inspq.qc.ca/publications/2120

Dernière mise à jour : 

14 février 2022