Définir la violence conjugale
Au Québec, la violence conjugale est une préoccupation de santé publique (1,2). Dans sa Politique d’intervention en matière de violence conjugale, le gouvernement québécois la définit de la façon suivante :
« La violence conjugale se caractérise par une série d’actes répétitifs, qui se produisent généralement selon une courbe ascendante. […] La violence conjugale comprend les agressions psychologiques, verbales, physiques et sexuelles ainsi que les actes de domination sur le plan économique. Elle ne résulte pas d’une perte de contrôle, mais constitue, au contraire, un moyen choisi pour dominer l’autre personne et affirmer son pouvoir sur elle. Elle peut être vécue dans une relation maritale, extraconjugale ou amoureuse à tous les âges de la vie (3). »
Contrairement à la violence exercée par un étranger, la violence conjugale se manifeste entre deux personnes qui sont, ou étaient unies par un lien amoureux ou intime (4), et ce, sans égard à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre. Ainsi, les personnes issues de la diversité sexuelle et de la pluralité des genres peuvent vivre de la violence dans leurs relations amoureuses ou intimes (5,6).
La violence conjugale peut être difficile à reconnaître, et le fait de quitter le conjoint violent ne permet pas nécessairement d’y mettre fin (7,8). Pour plusieurs personnes, la violence conjugale se poursuit malgré la séparation ou l’arrêt des fréquentations. Elle peut donc être exercée par un ex-mari, un ex-conjoint ou un ex-partenaire. Au Québec, en 2015, 32,8 % des femmes victimes de violence conjugale déclarées à la police ont été agressées par un ex-conjoint (9).
Malgré une légère fluctuation annuelle du nombre d’infractions rapportées à la police, le portrait général des victimes de violence conjugale change peu au fil des ans : les femmes demeurent les principales victimes, et ce, peu importe la catégorie d’infractions. En 2015, elles représentaient près de 80 % des victimes d’infractions contre la personne commises dans un contexte conjugal ayant été rapportées à la police (9).
La violence conjugale peut se manifester de différentes façons, mais elle comprend généralement des comportements de coercition et de contrôle.
Formes de violence
Les formes de violence ci-dessous, vécues au sein d’une relation, peuvent exister indépendamment l’une de l’autre, ou être présentes en même temps (10) :
- Violence psychologique et verbale : insultes, dénigrement, humiliation, menaces, harcèlement, contrôle sur la vie quotidienne et les activités sociales, contrôle des courriels et des appels téléphoniques, etc.;
- Violence physique : atteintes à l’intégrité physique, qui prennent la forme de coups de poing, de coups de pied, de morsures, de brûlures, de menaces avec une arme, etc.;
- Violence économique : absence d’accès au revenu familial, indépendance financière refusée par le conjoint, impossibilité de discuter des achats, absence de participation aux décisions économiques du foyer, etc.;
- Violence sexuelle : contraintes à avoir des relations sexuelles, soumission à des pratiques sexuelles non désirées, refus du conjoint d’employer une méthode contraceptive ou prophylactique, etc.;
Certains éléments associés à la coercition reproductive pourraient également être des manifestations de violence conjugale :
- sabotage contraceptif (p. ex. : cacher ou détruire les pilules contraceptives);
- pressions relatives à la grossesse (p. ex. : faire la promotion de la grossesse sans égards aux intentions reproductives de la femme);
- coercition lors de la grossesse (p. ex. : menacer la femme qui ne désire pas être enceinte et la forcer à mener sa grossesse à terme).
Bien que les femmes victimes de violence conjugale ne soient pas nécessairement victimes de coercition reproductive, celle-ci s’accompagne souvent de violence conjugale et pourrait même précéder la violence physique et sexuelle au sein du couple (11).
Cycle de la violence conjugale
La violence conjugale exercée par le partenaire sur sa victime est marquée par l’emprise et le contrôle, qui font partie du cycle de la violence. L’illustration ci-dessous permet de mieux comprendre cette situation.
Figure 1
Figure inspirée du guide Brisons le silence du MSSS, et adaptée de la Trousse média sur la violence conjugale (10), disponible sur le site Web de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).
Continuum de la violence conjugale
La violence conjugale peut se dérouler sur un continuum. Inspiré par les travaux de La Violette (12), ce continuum présente cinq séquences :
Conflits conjugaux courants |
Conflits intenses |
Violence |
Violence sévère |
Terreur et harcèlement |
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Les rapports entre la femme et l’homme peuvent être égalitaires. (absence de domination) |
La composante de pouvoir et de domination est présente. La violence est majoritairement perpétrée par les hommes sur les femmes et peut aussi se manifester chez les couples de même sexe. |
La présente fiche cible les trois dernières séquences du continuum (violence, violence sévère, terreur et harcèlement).
La violence conjugale et la transition à la parentalité
La période périnatale peut entraîner des changements dans la dynamique relationnelle d’un couple (13). Il peut notamment y avoir des changements au niveau de la communication et de l’intimité, ainsi que des tensions associées à un partage genré des tâches et des soins aux enfants (14). Des tensions et des conflits liés à la grossesse peuvent surgir et nuire à l’harmonie et à la relation conjugale (15) (ambivalence devant la grossesse, appréhension des changements à venir, etc.).
Toutefois, bien que les conflits conjugaux puissent perturber le cours de la grossesse et affecter les gens qui les vivent, ils peuvent se régler sans violence, par la négociation, le compromis et la médiation (16). Conséquemment, ils ne sont pas inclus dans la définition de la violence retenue pour cette fiche, notamment parce qu’ils ne sont pas marqués par la dynamique de pouvoir et de contrôle qui caractérise la violence conjugale (voir tableau sur le continuum de la violence conjugale, ci-dessus).
La fiche Adaptation à la parentalité présente des difficultés pouvant survenir lors de cette étape importante, en abordant entre autres le stress, la communication dans le couple et les conflits (qui font partie des deux premières séquences du continuum).
Quelques chiffres
Au Québec, les quelques données disponibles confirment qu’une proportion non négligeable de femmes vivent de la violence conjugale pendant la période périnatale. D’après une enquête réalisée en 2006-2007 sur l’expérience de la maternité, environ 10 % des mères québécoises ont vécu au moins un incident de violence physique ou sexuelle de la part de leur conjoint dans les deux années entourant la période périnatale, allant de la période de pré grossesse à celle du post-partum (17). Pour 25 % d’entre elles, les épisodes de violence subis s’étaient produits durant la grossesse (18). Selon cette même enquête, la prévalence de la violence conjugale atteignait 40 % chez les mères adolescentes (19).
Les actes violents les plus souvent mentionnés sont d’avoir été poussée, agrippée ou bousculée, d’une façon qui aurait pu provoquer des blessures (17). Sur la scène internationale, la prévalence de la violence conjugale pendant la grossesse se situerait, selon les pays, entre 3,9 % et 8,7 %, étant parfois même plus élevée que la prévalence de problèmes de santé présents durant la grossesse, tels que la pré-éclampsie et le placenta prævia (20).
Peu de données sont rapportées quant à la prévalence de la violence psychologique, verbale, sexuelle ou économique lors de la grossesse. Il est donc difficile d’estimer l’ampleur de ces formes de violence pendant cette période. Selon les quelques données disponibles, la prévalence de la violence psychologique et verbale durant la grossesse serait de 1,5 % à 36 %, et celle de la violence sexuelle de 1 % à 8 % (21) (Taillieu et Brownridge, 2010, cité dans Brisson et Lévesque, 2017(22)). Plusieurs femmes qui rapportent de la violence physique alors qu’elles sont enceintes seraient aussi victimes de violence verbale et psychologique (Taillieu et Brownridge, 2010, cité dans Brisson et Lévesque, 2017(22)). Ces formes de violence peuvent donc coexister (23) et avoir des conséquences importantes sur la santé de la femme qui en est victime.